Fanfiction Divergente 4 - Résurgence, Chapitre 24
CHAPITRE VINGT-QUATRE
Tobias compose le code et la porte de son appartement s’ouvre. Il laisse passer Tris et referme derrière lui en jetant sa veste sur le canapé. Tris l’imite. Avec un soupir, il l’attire à lui et pose un baiser léger sur sa bouche.
Ça va ?
Oui, ça va… Tu es sûr de ce que tu fais avec Peter ?
Je sais que tu lui en veux du mal qu’il a fait à Beatrice. Moi aussi, crois-moi. Sa culpabilité l’a tellement rongé à ce moment-là, qu’il a préféré le sérum d’oubli plutôt qu’assumer ses actes. Je ne veux pas qu’on se mine pour lui. Mais dans ce projet, le passage par Milwaukee est obligatoire, nous allons nous y ravitailler, nous ne passerons pas inaperçus. En cas de problème, c’est là-bas que nous pourrons plus rapidement retourner. Peter n’a que deux positions possibles : pour ou contre nous. Il est né chez les Sincères. C’est blanc, ou noir. Je préfère qu’il soit avec nous que contre nous. Nous aurons sans doute assez d’aléas comme ça. C’est un combattant habile et puissant.
Tu as raison, soupire Tris.
Tobias balaye la mèche dorée de sa compagne sur le côté pour libérer ses deux yeux et ses joues.
J’aimerais te convaincre, je ne serais pas satisfait de t’imposer ce choix, alors que tu m’as… laissé la direction de cette opération.
Tu es plus qualifié, aguerri et expérimenté que moi pour la mener. Je te fais confiance.
Tu es plus intelligente.
Non, nous sommes complémentaires, précise Tris. Une équipe.
C’est tout ? demande Tobias en embrassant son cou tendrement.
Non ce n’est pas tout…
Le jeune homme reprend sa bouche en fourrant ses mains sous ses cheveux, sur sa nuque et ses épaules. La soie de ses mèches attise tous ses sens comme une brise sur des braises. Il ne s’en lasse pas.
Comme à chaque fois, Tris perd la notion du temps, elle fait glisser ses mains le long de son torse, sur ses hanches. Elle meurt d’envie de toucher, de voir, la fresque noire qui orne son dos. Depuis des jours, elle s’endort à côté de Tobias dans sa chambre. Ils parlent, des heures durant, ponctuant leurs phrases inachevées de baisers et de silences langoureux et tendres, savourant le simple plaisir d’avoir le temps, d’être en paix. Chaque soir, le sommeil leur coupe la parole. Mais le jeune homme a toujours conservé un tee-shirt, comme s’il protégeait un secret qu’il ne pouvait pas encore dévoiler. Tris respecte ça, mais elle a en elle les bouffées d’admiration que sa sœur a ressenties pour le dessin en le voyant pour la première fois, et à chaque fois suivante. Elle meurt d’envie de vivre ça à son tour.
Ce soir, même si elle sent, dans chaque fibre de son corps, résonner les principes pudiques des Altruistes, transmis par ses parents à Beatrice, c’est sa fibre Audacieuse qui la domine, elle n’a plus envie de la moindre distance entre elle et Tobias. Elle glisse sa main sous le tee-shirt noir de son petit ami, le bout de ses doigts effleure la peau lisse des reins de son compagnon. Le front sur son épaule, Tris respire, à travers son vêtement, l’odeur de sa peau avec avidité, la bouche entrouverte pour absorber plus de son air, de son énergie. Elle sent la poitrine de son bel ami se soulever à un rythme qu’elle ressent plus rapide, plus saccadé. La joue de Tobias caresse les cheveux sur la tempe de Tris.
Cela fait si longtemps qu’il n’a plus ressenti la douce brûlure d’une caresse ! Beatrice avait été la première à poser la main sur sa peau, autrement que pour porter les coups auquel l’enfant puis l’Audacieux était plutôt habitué. Il en avait même été choqué, tant c’était nouveau pour lui. Le souvenir de cette douceur s’était endormi avec Beatrice, et les doigts de Tris réveillent en lui l’émerveillement des sensations tendres qu’elle provoque.
Tobias ?
Oui ?
Comment on sait si on est… amoureux ? Ça… ne se lit pas dans les livres…
Décontenancé, Tobias essaie de pacifier le rythme de son cœur pour chercher une réponse verbale, là où il n’a pour l’heure envie que de combler sa bouche de ses lèvres affamées.
Je ne sais pas si je sais décrire ça, je ne suis pas… un expert, murmure le jeune homme.
Plus que moi… souffle Tris en souriant timidement. Comme a dit Mark, c’est « toi le prof », pas seulement pour les techniques de combat !
Je n’ai pas été habitué à parler de ça chez les Altruistes, et mes parents ne m’ont pas vraiment donné d’exemple…
Mue par une douce impatience, Tris interrompt sa phrase d’un baiser long et léger sur ses lèvres charnues. Tobias la regarde intensément pour trouver une inspiration.
Peut-être qu’on peut dire qu’on aime quand on a envie d’être avec une autre personne, si fort qu’on n’arrive plus à réfléchir… que la boule de feu qu’on a au creux du ventre nous empêche de respirer... Que ce feu ne s’apaise même pas quand on l’embrasse, mais qu’elle augmente encore pour brûler la gorge, les lèvres... Quand la toucher devient plus important que manger ou dormir, dit-il dans un murmure, ne traduisant que ses propres pensées.
La tête relevée vers la sienne, Tris l’observe pour lire une réponse identique dans ses yeux, et sur ses lèvres assombries par les baisers. Tobias regarde alternativement chacun de ses yeux, son nez, le voile de ses cheveux retombé devant la cicatrice. Il promène ses doigts sur ses joues, son front, la ligne de ses sourcils.
C’est quand une table entre elle et toi te semble une distance insupportable… Quand être ailleurs qu’elle n’a pas le moindre sens…
Fascinée par l’intensité du regard de Tobias qui cherche ses mots, Tris aspire les paroles douces de son petit ami, lui qui a été élevé sans amour, sans tendresse ni compassion. Chacun de ses mots résonne dans sa tête, dans sa gorge et dans des endroits de son corps auxquels elle ne prêtait pas attention auparavant.
Je pense qu’on aime quand on est si sûr de l’autre que la confiance n’est plus une nécessité, mais une évidence... Je crois qu’on aime quand la vie de l’autre est plus importante que la nôtre et qu’on n’aurait pas besoin d’une seule seconde de réflexion pour donner notre vie pour sauver la sienne.
Impatient, Tobias reprend sa bouche, comme une bouffée d’air après une trop longue apnée, en enroulant ses bras autour du corps lové contre lui de Tris. Elle sent sur sa joue glisser le souffle et la caresse du nez de son petit ami. Quand il libère ses lèvres, Tris tangue dans un vertige qui ne s’arrête pas. Les yeux clos, elle lui murmure :
Et le… désir ?
Tris… parler du désir, quand on a contre soi une femme comme toi, attise le désir… Ce que tu me demandes…
J’ai juste besoin… de savoir la différence, de savoir les reconnaître… les exprimer…
Bouleversé par ses propres sensations, celles qu’il perçoit sur le corps, la bouche, le visage de la jeune femme, Tobias respire fort et essaie de dominer ses émotions pour continuer à parler.
Le désir… transporte les battements de ton cœur dans toutes les parties de ton corps. Il remplace ta volonté, accélère ton pouls…
« C’est donc ça, ce que je sens… ». Exaltée, Tris ferme les yeux et écoute son cœur, tentant de localiser les endroits où il bat le plus fort. Il est partout, affolant, puissant, exigeant. Elle promène ses mains doucement sur le bas du dos de Tobias, effleurant à peine sa peau avec des caresses mirage.
Il peut te faire faire des folies pour supprimer tout espace, tout objet, tout… vêtement entre ta peau et celle de l’autre. Le désir… exige de toi que chaque partie de ton corps soit en contact avec… chaque partie du sien.
Tobias marque une pause pour respirer et contrôler son souffle. Il fixe la bouche de Tris avec envie.
L’amour, s’il est assez fort, permet… je l’espère… de contrôler le désir, si la personne qui te l’inspire n’est pas prête… Le désir, Tris, va m’obliger à m’écarter de toi si je veux lui résister…
Mais Tris ne lui permet pas de s’éloigner, elle l’embrasse à pleine bouche, et enveloppe son cou et sa nuque pour porter chacune de ses mains plus loin le long des muscles de son dos. Les bras puissants de Tobias enserrent son buste avec force. Elle n’a pas la moindre idée de l’effort de contrôle de soi qu’elle demande à son petit ami. Il glisse ses mains dans son dos et les descend jusqu’aux cuisses. D’un geste vif et fort, il soulève Tris pour l’asseoir sur ses mains en appui sur ses hanches. Elle est légère et musclée, la maigreur de son arrivée a été remplacée par une minceur fine et élancée de sportive. La jeune fille se serre contre lui, Tobias quémande sa bouche, le cou en extension pour atteindre ses lèvres. Il va la déposer doucement sur la table, debout devant elle entre ses jambes. Tris l’enserre des siennes pour les nouer derrière lui.
Tris… Tu me rends fou… Il faut… me laisser souffler, sinon je crains de te faire peur…
La jeune Audacieuse cache son visage dans son cou. Elle n’a pas peur, elle respire l’odeur de petit pois, de sueur, de soir, qui flotte sur sa peau, une odeur enivrante d’audace, de gentillesse, de sincérité, d’intelligence et d’abnégation, un parfum d’humanité totale. Tobias est complet, il a tout ce qu’elle veut. Elle ne sait pas d’ailleurs ce qu’elle veut, mais il l’a, ça elle en est sûre. Il pourrait être n’importe où, avec n’importe qui. Mais il est là, devant elle, contre elle, avec elle, juste elle, et il lui avoue son désir.
A regret, elle articule, comme si elle sortait d’un très long sommeil :
Il reste du gâteau au chocolat ?
Le front contre le sien, Tobias sourit.
Ouais, il en reste, c’est une bonne idée… Je reviens dans cinq minutes, murmure-t-il contre sa bouche avant de s’éloigner vers la salle de bain, laissant Tris pantelante sur la table, vide de son absence contre sa bouche.
La jeune femme passe ses mains sur son visage et ses cheveux, elle aussi a du mal à garder les idées claires. Tobias n’est que dans la pièce à côté, et il lui manque déjà tant, qu’elle en a mal dans la poitrine. Elle meurt d’envie d’aller le rejoindre et continuer à caresser sa peau, embrasser sa bouche. Pour le reste, elle ne sait pas trop ce que ça peut faire, mais il n’y a rien dont elle n’ait pas envie avec lui. Elle a juste le temps de reprendre son souffle et d’apporter l’assiette de gâteau, que l’eau se coupe dans la douche et une minute plus tard, Tobias sort de la salle de bain. Il est torse nu, frais et humide, auréolé de l’odeur mentholée de son gel douche. Il a juste enfilé un pantalon noir léger. Le noir lui va comme un gant, il fait ressortir ses cheveux bruns, sa carrure large et asséchée par l’entraînement, et ses yeux bleu si foncé qu’ils paraissent noirs, surtout quand il lui parle d’amour et de désir… Le noir souligne les lignes de son tatouage qui dépassent comme une invitation aux caresses et à la découverte.
Le bel instructeur ressemble à un condor aux ailes déployées : il occupe tout l’espace sans effort et remplit l’air de majesté.
Hypnotisée par sa présence et sa virilité, Tris en oublie de lâcher l’assiette qu’elle tient dans la main, suspendue ridiculement en l’air au-dessus de la table, et le regarde approcher d’elle avec un mélange d’envie et d’admiration. Il est beau, fort, et il vient vers elle, d’un pas félin et silencieux, avec l’assurance d’un Audacieux. Les flammes de son tatouage dépassent sur ses flancs, ses épaules et son cou et Tris imagine leur suite dans son dos, et son feu intérieur. Avec un sourire léger, il attrape un petit bout de gâteau dans l’assiette suspendue au bout des doigts de sa compagne et lui offre près de ses lèvres. Il effleure son menton de deux doigts pendant que les deux autres tiennent le biscuit sucré, qu’elle lui vole en riant. Il sourit avec tant de tendresse que le rire de Tris se tarit, juste pour profiter de la sensation qu’il provoque en elle. Il prend l’assiette qui est toujours suspendue en l’air et la pose, il a besoin des deux mains de Tris sur lui.
Même ça, ça doit être de l’amour, elle le croit sincèrement. Mais il ne le lui a jamais dit. Son dévouement, sa patience, ses caresses. Comment peut-on faire des choses aussi fortes, aussi douces, sans cet amour dont elle a lu la définition, dont il lui a détaillé les signes, les symptômes ?
Pendant que Tobias mord dans un morceau de gâteau comme si c’était la bouche de Tris, elle entreprend de vriller toute sa chevelure et de la remonter en un large chignon comme elle l’a vu faire par sa mère, dans les transferts mémoriels. Ils sont si longs qu’elle les fait tenir sans pince. Ils sont lourds et pèsent sur sa nuque. Quelques mèches rebelles s’échappent sur le côté, que Tobias lisse entre deux doigts, pour le plaisir de les toucher. Son air est si sérieux, si concentré que Tris lui saute au cou. Avec un sourire, il croise ses mains dans son dos et la serre.
Moi aussi, j’y vais, lui murmure la jeune femme blonde, sur la pointe des pieds, près de l’oreille.
Elle prend un dernier morceau de gâteau et s’éloigne sans se retourner vers la salle de bain, d’un pas chaloupé. Tobias entend l’eau couler et essaie de se détendre. Il a du mal à imaginer ce que Tris a pu mémoriser de sa relation avec Beatrice, mais il ne veut ni ne peut comparer quoi que ce soit. Même s’il a chéri les pages de sa vie avec Beatrice et qu’il n’envisage plus de tout oublier, que chaque souvenir est transformé en diamant éternel, il a tourné une nouvelle page, toute blanche, prête à être noircie, un nouveau chapitre. Le bonheur, l’espoir, la vitalité sont revenus dans son cœur, alors qu’il n’aurait jamais cru ça possible.
Il s’inquiète de l’expédition à venir, mais c’est demain. Il veut profiter d’aujourd’hui, avec Tris. Il entend la porte de la salle de bain s’ouvrir et se retourne pour l’accueillir d’un sourire. Mais il reste figé. Dans l’encadrement de la porte coulissante, la vision est juste enroulée dans une large serviette blanche qu’elle tient serrée au dessus de son cœur. Ses épaules nues sont un peu contractées. Emu, Tobias profite de sa présence silencieuse, il contemple les parties du corps de sa petite amie qu’il n’avait encore jamais vues depuis ce qu’il a pris pour une apparition dans le laboratoire de Caleb. Ses cuisses musclées dépassent de la serviette et ses jambes fines, pâles et galbées sont serrées l’une contre l’autre.
Sans un mot, Tobias tend sa main ouverte pour inviter Tris à le rejoindre, avec un sourire discret, mêlé d’inquiétude. Elle ressemble à un petit oiseau effarouché, et le jeune homme craint qu’elle ne s’envole pour disparaître. Tris approche doucement, dans un silence contemplatif. Sa main libre se glisse dans celle de son compagnon, il reconnaît la sensation de soie ou de plumes qu’il a déjà sentie au tribunal et même lors des simulations. Les yeux de la jeune femme se posent sur les traits noirs qui semblent déposés sur ses épaules. Mais au lieu de se presser contre lui, comme Tobias s’y attend avec impatience, elle le contourne. Elle veut enfin admirer son tatouage, approcher du regard ce qu’elle n’a vu qu’en rêve. Le bel Audacieux la laisse faire en la suivant du regard tant qu’il le peut. Il sait que cette demande tacite est autant une découverte pour elle qu’une fusion avec la mémoire que Beatrice lui a léguée, un désir à mi-chemin entre le souvenir et l’avenir, un pèlerinage mémoriel autant que sensoriel. Sa sœur lui a envoyé un héritage mental, sentimental et humain qu’elle veut adopter comme sien, dans les moindres détails.
Enfin, elle peut admirer les entrelacements de flammes aux bords découpés et stylisés, qui partent de chaque côté de sa colonne pour remonter le long de ses côtes, de ses omoplates et jusque sur les épaules et le cou. Comme Beatrice avant elle, fascinée, elle dessine les contours des factions, de haut en bas, du bout des doigts. Tobias se souvient de cette caresse qui l’avait tant surpris, et pour cause. C’était la première fois qu’on le touchait avec amour et douceur.
Il est… fantastique. Toute l’histoire des factions, la tienne, tes aspirations, ton destin. C’est fabuleux, dit Tris dans un souffle. Je suis si heureuse de le voir…
Après lui avoir laissé quelques secondes pour détailler son tatouage, Tobias sent ses doigts parcourir sa peau, caresser les trapèzes inclinés à la base de son cou. Elle fait glisser sa main sur son flanc pour se rapprocher de lui, et serrer sa joue contre la peau décorée. Il ferme les yeux pour profiter de la sensation, puis se retourne doucement pour l’enlacer et l’embrasser. Les mains légères caressent ses épaules et sa nuque. Les pointes de son tatouage dépassent sur ses muscles souples et les côtés de son cou, fascinantes comme les flammes d’un feu. Tris envoie une prière muette à Tori pour la remercier de son œuvre d’art. Tobias observe avec émotion sa petite amie le découvrir avec des yeux d’enfant émerveillé.
Soudain, ses deux mains s’enroulent autour de son cou et seule la pression de leurs deux corps maintient la serviette sur la silhouette de la jeune fille. Tobias détache son chignon. Ses cheveux se déroulent dans son dos en dansant et tourbillonnant pour se libérer de la vrille qui les emprisonnait. Puis, il entoure ses épaules d’un bras, et se penche pour passer l’autre bras sous ses genoux. Il la soulève, colle ses lèvres sur les siennes et l’emmène jusqu’à sa chambre.
Tris ne lutte que contre une chose : l’angoisse de le décevoir. Qu’il ne trouve pas en elle l’épanouissement, les sentiments qui l’avaient lié à sa sœur Beatrice. Sa serviette a glissé de sa poitrine et elle se colle maintenant contre son buste frais, mue par un besoin incontrôlable de sa peau contre la sienne.
Avec d’infinies précautions, Tobias la pose doucement sur le lit. Ses cheveux s’étalent sur l’oreiller. La nuit est tombée et la lune projette une lumière grise par la fenêtre plus large que haute de la pièce. Le jeune homme va éteindre la lumière du salon et ferme la porte coulissante de sa chambre, pour que la lumière diffuse de Chicago, par les larges baies de la pièce principale, ne s’immisce pas dans leur retraite feutrée. Tris n’a pas cessé de le suivre des yeux. Chacun de ses mouvements est fluide, velouté comme le mouvement souple d’un tissu de soie. Ses muscles roulent sous sa peau lisse et lui donnent une allure de jaguar. Elle a conquis un tel homme, elle, le clone sans passé. Elle toute seule. Les bouffées d’amour et de fierté qui l’étouffent se muent en remerciements muets, pour la vie, pour Beatrice, pour ses parents.
Il s’étend tout près de Tris sur le grand lit carré, en appui sur son avant-bras et entreprend, du bout des doigts, de suivre chaque ligne de son visage. Il suit ses sourcils, caresse sa cicatrice, longe la ligne du menton. Les yeux clos, elle sent son doigt descendre le long de son cou et suivre la courbe de son épaule, il ne s’arrête qu’au creux du coude. Elle a envie de lui crier de continuer. Il déplace simplement sa main brûlante pour la poser insensiblement sur son ventre et la chaleur de ses doigts, de sa paume, remonte en bouffées par sa poitrine pour lui brûler la gorge. Tobias embrasse la pointe de son épaule, longtemps, doucement, passionnément, les yeux fermés. Tris ouvre les siens et approche sa main pour lui caresser la joue, il embrasse la paume qu’elle lui tend. Elle veut passer sa main derrière sa nuque et attirer son visage, sa bouche lui manque. Mais Tobias résiste à son invitation pressante. Intriguée et inquiète, Tris se demande si elle a fait quelque chose qui lui a déplu, ou pire, s’il est déçu par ce qu’il voit. Elle sait qu’elle est trop fine, comme Beatrice, que sa cicatrice lui déchire le visage, et que sa poitrine n’est pas généreuse. Physiquement, elle ressemble beaucoup à Beatrice, et Tobias l’avait aimée et trouvée belle. Mais peut-être la voit-il différemment ? Machinalement, elle replace un coin de la serviette sur son corps et le regarde d’un air interrogateur :
Je… ne te plais pas ? murmure-t-elle.
Tris, tu me plais, même… si on s’arrête là, répond son compagnon en la regardant intensément. Je t’ai influencée, ce que je ne veux pas faire.
Tu ne m’as pas influencée, dit-elle avec douceur, tu as mis des mots, une réalité, sur ce que je ressens dès que tu es près de moi… Je savais déjà tout, sans savoir le dire, c’était si beau, si… juste… Mais c’est juste que… je ne sais pas si je suis… normale sur ce plan…
Je suis certain que si, affirme doucement Tobias.
Lentement, Tris promène sa main sur son épaule, son bras et suit les lignes de son buste. Ses yeux osent, ce que ses doigts n’osent pas, elle espère que le jeune homme n’a pas vu dans la pénombre ses joues prendre feu, ses lèvres s’entrouvrir. Son souffle s’entend plus qu’avant. Mais il a vu, entendu, il se penche pour embrasser sa joue brûlante et descend sur sa bouche, tendu pour garder le contrôle de ses gestes. Sa main posée sur le ventre de Tris s’anime, descend sur sa hanche fine et anguleuse. La jeune fille comprend encore mieux ce qu’il voulait dire quand il parlait du désir qui faisait battre le cœur partout ailleurs que dans la poitrine. Son sang tambourine sous la main virile, où qu’elle soit sur sa peau.
Tu avais raison… souffle Tris.
A quel sujet ? demande-t-il doucement la bouche contre la sienne, crispé pour contenir la fougue qui lui tape dans le cou.
Je ne veux plus de distance, plus du tout d’espace…
Tobias ferme les yeux un instant. Il sent cette énergie dont parle souvent sa petite amie les envelopper comme une couverture chaude, ce halo d’énergie bleutée qui les brûle délicieusement. Un seul mot de plus de sa part, un seul, et il oubliera toutes ses bonnes résolutions, toute cette force contenue qu’il retient depuis des semaines, sans regret, mais qui gonfle un peu plus chaque jour son désir d’elle, son désir d’eux, son désir d’eux-un. Il veut une réponse, sans équivoque.
Tris, tu es sûre ?
Une seule réponse, un seul mot. Tris roule sur le côté pour se rapprocher encore de lui, enrouler son bras autour de ses épaules et approcher ses lèvres de sa bouche beaucoup trop éloignée d’elle depuis une éternité de quelques secondes. La serviette éponge blanche tombe définitivement sur le côté.
Certaine.
Avec un soupir de fin de guerre, Tobias pivote sur son visage pour écraser sa bouche sur la sienne, brutalement, comme pour se venger de lui avoir manqué. Ses cils noirs abaissés caressent ceux de l’œil opposé de sa douce tant il la serre à l’étouffer. Son dernier vêtement glisse dans un mouvement de serpent. Elle admire sous ses paumes le corps musclé, ondulant sous les caresses données et reçues, ce corps qui se presse contre elle, touchant de chaque zone de peau, celle qui lui correspond sur son corps à elle. Une main court sur la poitrine glabre, douce et ferme du combattant, effleure son épaule et sa nuque, souligne la ligne de son cou, une main aux doigts longs, soignés, avides que Tris découvre être la sienne, elle qui n’avait aucune idée de ce que Tobias pouvait bien attendre, ou désirer. Tris ne comprend plus son propre corps. Comme lui a décrit Tobias, il exige pour elle le contact, toutes les caresses, toute la peau. Elle ne veut plus respirer toute seule, elle veut partager tout son air, toute sa vie.
Tobias parcourt alternativement des yeux, des paumes, des lèvres, toutes les zones douces et veloutées qu’il imaginait sous ses débardeurs à bretelles. Sa poitrine est ronde et si menue qu’elle disparaît entièrement sous sa main puissante, mais il n’en a cure. Ce corps aimé a réveillé en lui des sensations qu’il pensait mortes, enfouies depuis des années, qu’elle suscite à chaque mouvement de ses mains, de ses jambes et de sa bouche. Il reconnaît dans chacun de ses gestes, de ses caresses innocentes ou moins, ce qu’il aimait tant de Beatrice, plus fort encore chez Tris, sa douceur, sa naïveté, et tout-à-coup, son audace incroyable. Libre d’une éducation faite de retenue et d’oubli de soi, comme celle reçue par Beatrice et Tobias, Tris se laisse guider par les caresses qu’elle reçoit, et ne met aucune barrière à celles qu’elle veut tenter.
Ivres de désir, chacun trouve le chemin de l’autre, les doigts entrelacés et serrés les uns dans les autres, dans l’impatience fébrile de leurs caresses encore inassouvies.