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Fanfiction Divergente 4 - Résurgence, Chapitre 27

CHAPITRE VINGT-SEPT

Dans la tour Hancock, vivent de nombreux ex-Audacieux. Christina a indiqué à son amie chez qui se rendre pour effectuer son tatouage. Tris presse le pas : elle veut rejoindre ses équipiers à temps pour la préparation de l’inspection du mur. L’homme petit et mince, prévenu par Christina de sa venue, accueille Tris dans un appartement de célibataire : le désordre règne. Où qu’elle regarde, il n’y a pas un endroit où l’œil ne se pose sur une affaire qui traîne. Un ami de Tori, lui a dit l’ancienne Audacieuse, un bon tatoueur.


Il l’entraîne dans une petite pièce réservée à son art. Apparemment, les tatouages des Audacieux ne sont pas tombés autant en désuétude que Tris pouvait le penser. Le tatoueur explique que de nombreuses personnes de la Marge, arrivées à Chicago après la guerre civile, et fascinées par les Audacieux et leurs décors de peau, avaient sollicité ses services.


Tris lui explique l’image qu’elle a en tête du tatouage souhaité. Le tatoueur, qui semble avoir le même âge que Tobias, réfléchit un moment, les volutes de ses aiguilles encrées de noir tournent dans son imaginaire et font briller ses yeux. L’artiste créée déjà virtuellement son ouvrage.

  • Il faudra deux séances de deux heures au moins, peut-être plus, finit-il par dire à Tris.

  • Nous partons en mission dans la Marge demain, près d’un étang ! rechigne la jeune femme.

  • Vous allez plonger ? s’étonne l’artiste.

  • Oui.

  • Ah alors il faudra revenir après votre retour : il ne faut pas mouiller un tatouage pendant deux à trois semaines après sa réalisation.

Tris est déçue. Elle ne pensait pas que ce serait si long. Le tatoueur la prévient : elle risque d’avoir la peau très endolorie pendant plusieurs jours. La jeune fille imagine alors quelle a dû être la souffrance de Tobias, vu l’étendue de son tatouage dans le dos.

Le tatoueur dessine sur sa tablette un projet de dessin. Tris lui a apporté un modèle approximatif. Le dessinateur voit très rapidement ce qu’elle souhaite et ils se mettent d’accord sur le modèle. Tris promet de revenir après l’expédition dans la Marge.


La jeune fille se rend, un peu boudeuse, au siège des Audacieux pour s’entraîner avec ses co-équipiers. Elle rejoint les tireurs sur le toit pour s’entraîner sur les cibles mannequins.

  • Je vais te montrer où appuyer le fusil pour ne pas avoir mal à l’épaule à force de tirer.

Tobias est arrivé dans son dos pendant qu’elle vengeait sa frustration sur les malheureux mannequins… et le mur derrière. Il lui indique la bonne position :

  • Tu dois d’abord apprendre à viser, en te concentrant. Quand la direction ne sera plus un problème, tu devras intégrer dans l’entraînement des éléments perturbateurs : course, mouvement, obstacles, bruit, compétition, etc. Ok ?

  • D’accord, répond Tris.

  • Alors ce tatouage ?

  • Après la sortie dans la Marge, il ne faut pas mouiller un nouveau tatouage, il paraît.

  • Oui c’est vrai, je n’y pensais plus. Tu veux me dire ce que tu as choisi comme motif ? Tu es sûre de vouloir un tatouage ? Tu n’as pas besoin de ça pour être intégrée dans un groupe, tu sais…

  • Non, tu verras le motif. Et oui, je sais. Mais je le sens comme ça.

  • OK. Reprends l’entraînement alors, vas-y.

  • Tu me montres ? demande insidieusement Tris avec un sourire charmeur, pour le pousser à revenir sur sa décision de ne plus toucher aux armes. C’est pour… ma sécurité !

Vaincu, Tobias sourit.

  • Vous vous liguez contre moi, toutes les deux, hein ?

L’expression de Tris frise l’innocence pure. Tobias saisit le fusil. Il sait qu’il ne doit pas s’entêter. Christina a raison, il doit pouvoir assurer la protection du groupe pendant une expédition pleine d’incertitudes et de risques potentiels. Mais ils ne partent pas en guerre. La mission est pacifique, voire humanitaire.


Tobias arme, vise et tire, plusieurs fois, plusieurs cibles, avec une précision millimétrée. Concentrée, Tris observe les postures. Elle se place discrètement derrière son petit ami et souffle soudain dans sa nuque d’où dépasse le mystérieux tatouage. Distrait, l’instructeur se déconcentre et la balle part siffler sur le sommet d’une cheminée.

  • S’entraîner avec un élément perturbateur, mmmh ? glisse perfidement sa compagne.

Tobias lâche son arme vivement, se retourne et en deux mouvements de sa part, Tris se trouve immobilisée au sol.

  • C’est ça, oui, répond Tobias.

  • Eh bien, je vois que c’est la fête ici ! T’as fini par interrompre ta grasse matinée, Pète-Sec ?

  • Bonjour à toi aussi, Peter, répond Tris sèchement en se retournant pour se relever. Ton régime fonctionne ? Tu rentres à nouveau dans ta tenue d’Audacieux ?

A sa grande surprise, Peter lui tend la main pour l’aider à se remettre sur ses pieds. Tris regarde sa main avec circonspection sans la saisir, comme s’il s’agissait d’un piège.

  • La suite, c’est comme Eric avec Christina pendant l’initiation ? Me suspendre dans le vide en espérant que je tombe ? demande-t-elle avec suspicion.

  • Ecoute Tris, si tu continues à te méfier de moi, tu nous mettras tous en danger… T’es pas d’accord, Quatre ? répond Peter tranquillement sans retirer sa main.

Méfiante, Tris jette un œil à Tobias derrière Peter. L’instructeur ne semble pas contrarié et ne cherche pas à contredire Peter. La jeune fille prend sur elle, attrape la main de son équipier et se relève d’une traction. Elle détaille le tatouage que Peter lui expose. Il entoure son avant-bras droit, et lui fait penser à un bracelet de force ou aux cicatrices qu’aurait provoqué un fil de fer barbelé enroulé autour de son bras. Peter suit son regard :

  • Mon tatouage t’impressionne Pète-Sec ?

  • La seule chose qui m’impressionne chez toi, Peter, c’est l’étendue de ta suffisance… rétorque Tris.

  • Allez, ça suffit pour ce matin, coupe Tobias. On récupère Mark et Christina en bas et on va à l’orphelinat.

Les co-équipiers se regroupent et partent pour préparer leur départ en exploration du mur. Mark détaille l’environnement dans lequel il a grandi et vécu, la Marge, la nécessité d’apprendre à utiliser la nature pour se débrouiller.

  • Si possible, je voudrais plusieurs sacs en toile pour partir, vides.

  • Comme les sacs de grains ? demande Tobias.

  • Oui, voilà, confirme Mark. De la ficelle ou du fil de fer, du crin de cheval ça peut aller aussi. Tout le monde doit avoir des torches sur lui et des couteaux, mais, ça, je pense que vous dormez avec…

  • Nous irons chercher les combinaisons thermiques au Bureau, nous partons demain à neuf heures du siège des Audacieux. Nous y resterons… le temps qu’il faudra, détaille Tobias en regardant Tris. Johanna nous fournit des rations alimentaires et de l’eau pour 4 jours.

  • Comment sont les gens de la Marge, Mark ? interroge Tris. Que pensent-ils de tout ce qui s’est passé à Chicago ?

  • Beaucoup pensent que les morts l’ont mérité, les gens de la Marge ont été considérés au mieux comme des pestiférés, au pire comme des animaux de laboratoire. Certains sont encore hargneux et méfiants. Mais de nombreuses familles sont parties pour la ville ou se sont rapprochées du Bureau pour avoir de meilleures conditions de vie. D’autres sont restées mais veulent juste oublier et continuer de vivre en paix. Tous sont éleveurs, agriculteurs, mécaniciens, tout à la fois. Ce sont des survivants.

  • Nous ne savions pas, dans la ville… souligne Christina tristement. Nous n’avons jamais voulu exclure qui que ce soit.

  • Moi je le sais, mais certains ont encore de la rancœur, soyez méfiants, préconise Mark. La plupart ne demandent qu’à communiquer au fond d’eux, mais on n’oublie pas son enfance et ses galères comme ça.

  • Tobias, on peut emmener des vidéos pour leur montrer la ville, la guerre ? propose Tris.

  • Mark ? Seraient-ils ouverts à ce type d’information ? demande le leader.

  • Peut-être, certains oui, sans doute.

  • Ok, c’est une bonne idée, conclut Tobias.

Les derniers détails se décident, il est convenu que le groupe dorme si possible au sein de la population, ou dans le camion en cas d’hostilité, malgré l’exigüité. L’idée à l’avantage de beaucoup plaire à Mark…


***


Le camion est chargé. Johanna salue l’équipe et le moteur vrombit. La piste est maintenant bien marquée entre la gigantesque porte dans la clôture désormais toujours ouverte, et la ville. Elle est striée par les passages répétés des habitants qui circulent maintenant librement entre Chicago et la Marge.

Tris n’a jamais eu l’occasion d’observer la clôture de si près. La tête par la fenêtre, assise côté passager, elle n’en perd pas une miette. Tout l’intéresse. Par l’immense portail, la majestueuse base du mur semble démesurée.

  • Pourquoi le mur est-il si large ? s’émerveille Tris.

  • Je ne sais pas, je ne me suis jamais posé la question, répond Tobias au volant.

  • Rien de ce que le Bureau a fait ne l’a été sans raison, murmure-t-elle pour elle-même.

Après avoir dépassé l’immense porche de ciment et d’acier, Tobias tourne à gauche et entame la remontée de la clôture vers le nord. Il a été convenu de contourner le mur d’abord par l’Est en remontant vers le Nord. Le terrain qui longe le mur est assez inégal, la circulation n’a jamais été prévue au pied de la clôture. La porte latérale du camion est ouverte et les amis scrutent le mur, pour détecter des fissures, des faiblesses et repérer des emplacements favorables au perçage éventuel d’un accès navigable. Peter prend des notes, référençant les observations géolocalisées sur tablette. L’intégrité du mur est exceptionnelle malgré ses deux siècles. Le travail sera très difficile pour ouvrir des brèches. Il faudrait savoir si le mur est moins large par endroits, ce qui faciliterait la tâche. Percer ainsi une paroi en béton de six mètres de large pourrait prendre des semaines. L’usage des explosifs doit faire l’objet d’une étude approfondie par les artificiers, associant les scientifiques et les forces de police.


Le groupe chemine à petite vitesse depuis des heures, scrutant la paroi et notant tous les détails. Tobias décide d’une pause, au grand soulagement de tous. Ils n’ont parcouru qu’un quart de la circonférence de la clôture. Zigzaguer entre les bosses et les zones trop humides pour être carrossables impose des détours, une vitesse très réduite et une vigilance de tous les instants. Le camion s’immobilise près du mur et les passagers descendent pour se dégourdir les jambes et prendre des forces.

  • A cette vitesse, nous ne pourrons pas être au Bureau avant la nuit, commente Tobias. Nous devrons demander le ravitaillement en carburant du camion à la porte nord-ouest demain matin.

  • Si nous savions précisément ce qu’on cherche ! peste Christina.

  • Tout ce qui nous semble anormal, sur la paroi, doit nous alerter, je sais que c’est mince comme consigne, mais si l’eau revient et doit affronter la clôture, il faut anticiper sa force et prévoir les passages qui soulageront la pression et faciliteront les échanges.

  • Ouais, je sais, soupire la jolie brune en mordant dans un hamburger.

Tris va s’asseoir avec son sandwich sur une pierre à l’écart du camion, où Tobias la rejoint :

  • Ça va ? Tu es silencieuse, ce n’est pas ton habitude, dit-il avec un sourire.

  • Je ne suis jamais sortie aussi loin, je profite de chaque seconde et je me pose des questions, répond Tris en lui souriant.

  • Quelles questions ? interroge l’instructeur.

  • Pourquoi un mur aussi énorme ? Sa hauteur et la structure métallique au-dessus sont déjà suffisamment dissuasives.

  • Peut-être le poids de la structure justement ?

  • Oui, peut-être.

Un regard gourmand accroché sur celui de sa compagne, Tobias passe sa main dans le dos de Tris et l’enserre par la taille.

  • J’ai l’impression qu’on n’a même pas eu le temps de se retrouver au calme tous les deux depuis des jours.

Tris sourit :

  • Tu te souviens qu’on habite au même endroit ?

  • C’est pas assez… On s’est entraînés, on a travaillé, on a dormi plus que je ne l’aurais voulu… se plaint Tobias en attirant son menton du bout des doigts.

Bien sûr qu’à elle non plus, ça ne lui suffit pas. Elle reçoit le contact de ses lèvres avec félicité, maudissant chaque minute de sommeil de lui voler des moments d’intimité et de douceur avec lui.

  • Dis moi une chose, murmure Tobias contre sa bouche, tu craignais de ne pas être normale… sur ce plan. Tu es rassurée maintenant ? Raconte-moi.

  • Je… n’ai pas d’élément de comparaison, personne d’autre ne m’a jamais parlé de… ça, et encore moins caressée comme tu le fais, répond Tris en posant son front sur son épaule. Mais j’aime tellement ce que… nous partageons que, même si ce n’est pas la normalité, je m’en moque…Et… toi ?

  • Je n’aime plus que les nuits… lui glisse Tobias à l’oreille. Je crains d’être dépendant de toi comme d’une drogue…

La bouche nichée contre son cou, Tris sourit en se mordant la lèvre, comme à chaque fois que l’embarras lui coupe toute autre réaction.

  • Je crois que nous devrions repartir, lui dit Tobias à regret, sinon je vais oublier la mission et t’effrayer...

  • Je n’ai peur de rien avec toi…

  • C’est bien ce qui m’inquiète, des fois, tu es déraisonnable, beaucoup trop souvent à mon goût…

Le jeune homme la serre contre lui, la bouche enfouie dans ses cheveux pendant quelques secondes, puis se lève et lui tend la main pour qu’elle en fasse autant.


Mark s’était éloigné de quelques dizaines de mètres. Voyant son leader bouger pour signaler le départ, Peter émet un sifflement strident entre ses lèvres pincées pour le rappeler. Mark relève la tête du buisson qu’il explorait, et revient avec des plantes dans les bras, de petites feuilles allongées vert émeraude, brillantes, aux bouts pointus, striées sur toute leur longueur, et comportant une tige surmontée d’une petite fleur blanche insignifiante en forme d’épi. Par-dessus la touffe, Mark a empilé de longues tiges parcourues de petites feuilles vert vif, aussi larges que longues, découpées et ciselées, qui diffusent une légère odeur acidulée sur son passage.

  • Qu’est-ce-que tu veux faire de ça ? lance Christina quand il arrive près du camion.

  • Tu verras ce soir, ça se mange, je préfère ça aux rations déshydratées que vous avez prévues.

  • La vache, t’aurais pu être un Altruiste toi ! Ils bouffaient que des légumes sans sauce et un peu de poulet quand il voulait bien se déplumer lui-même !! s’esclaffe la jeune fille.

  • On s’est bien débrouillés dans la Marge, chérie, tu verras ! répond Mark.

  • Arrête de m’appeler comme ça, je vais te mettre mon poing sur le nez ! s’emporte Christina.

  • Chérie ? s’esclaffe Tris, sous les yeux ronds d’étonnement de Tobias et Peter.

Fier de son éclat, Mark rit de voir leur tête ahurie.

  • Ouais, c’est sa dernière lubie ! peste Christina. Il arrête pas de m’appeler comme ça, et plus je lui fais des bleus, plus il insiste !

Plus encore que l’audace de Mark, c’est la tête colérique de Christina qui provoque l’hilarité générale. Tobias tape l’omoplate de Mark d’un air de compassion faussement attristée.

  • Riez pas, il m’énerve ! s’agace Christina.

  • On va pas s’ennuyer… lâche Peter en levant les sourcils et en suivant Tobias vers le camion. Au moins, je pourrai tenir les chandelles !

  • La ferme, Peter ! lui lance Christina, ce qui fait encore plus pouffer Tris dans sa manche.

Le convoi repart, longeant la clôture au plus près. L’après-midi est bien avancé quand ils atteignent la porte nord de la clôture. Le camion envoyé par Johanna, prévenue par Tobias, attend le groupe avec le dîner et le ravitaillement en carburant.

  • Ah, cool, on n’aura pas besoin de la salade de Mark ! jubile Christina.

  • Ce n’est que partie remise, chérie, lui glisse Mark à l’oreille par derrière, avant de se prendre un coup de coude magistral dans le ventre qui lui arrache un souffle rauque.

Il s’éloigne en toussant et en articulant d’une voix éraillée par l’essoufflement, à l’attention de Tris, hilare :

  • Je l’adore !

Dès que le camion est ravitaillé, Tobias reprend le volant et repart, il veut avancer un peu avant la tombée du jour. Ils n’ont fait que quelques kilomètres quand Mark tape sur l’épaule de Tobias.

  • Arrête-toi, Quatre ! lui intime-t-il.

  • Qu’est-ce-qui se passe ? s’inquiète le jeune homme en stoppant le camion, immédiatement sur le qui-vive.

Aussitôt, les réflexes d’Audacieux se réveillent dans le camion et tout le monde sort et arme son pistolet. Par réflexe, Tris préfère le couteau, et pose sa main sur le manche noir qui dépasse de la poche prévue à cet effet sur son pantalon noir.


Mark saute du camion et court vers le mur, à une dizaine de mètres, en direction d’un bosquet dense adossé contre le béton. Arrivé près de l’arbuste épais, il fait un grand geste pour inviter ses co-équipiers à le rejoindre.

  • Venez voir ! crie-t-il.

  • Quoi ? s’alarme Tobias qui arrive en courant, la main sur son arme à la ceinture et Tris sur ses talons.

  • Ça, c’est du sureau ! dit-il en montrant du doigt des grappes de petits fruits noirs étalés en parasol inversé, suspendus après de petites tiges rougeâtres.

  • Sans déconner, t’as fait stopper le camion pour un cours de botanique ? raille Peter qui arrive nonchalamment en dernier.

  • Et alors ? demande Tobias à Mark sans s’occuper de sa remarque acide.

  • Le sureau ne fait des fruits qu’à la fin de l’été, on est en avril, cette plante est fausse ! s’exclame le jeune homme trapu.

  • Tu dois confondre avec une autre plante, pourquoi y aurait-il des fausses plantes ici ? suspecte Peter qui a rejoint le groupe.

  • Touche-le, grand savant, tu verras, c’est pas des vraies feuilles ! lui lance Mark d’un ton bravache.

Tobias approche prudemment du bosquet. Epais de deux mètres au moins, il semble impénétrable et est deux fois plus haut que lui et large de vingt pas au minimum. Si une fausse plante a été installée ici, sans aucun doute par le Bureau, c’est pour dissimuler quelque chose sans jamais dépendre des saisons ou des intempéries. Habitué désormais aux déclarations parfois bizarres de Tris, il ne remet pas en cause l’expertise de Mark, préférant la méfiance au déni. D’un signe, il enjoint chacun au silence.


Il contourne le buisson pour raser le mur en passant derrière. Il envoie Peter en faire autant de l’autre côté du buisson et demande à Christina de suivre son co-équipier. Tris emboîte le pas à son petit ami. De l’extérieur du bosquet, Mark passe ses doigts sur les feuilles et les fruits de l’arbuste, c’est très bien imité, vraiment très bien, mais c’est faux, il en est certain.


La main sur son arme, Tobias progresse en crabe, pas à pas, le dos collé contre la paroi du mur, en écartant les petites branches qui s’accrochent sur sa veste en cuir noir. Peter et lui sont sur le point de se rejoindre quand ils découvrent ce que cache le bosquet : une porte à hauteur d’homme est découpée dans le béton, un boîtier sur la droite attend l’entrée d’un code.

  • Mark ! Ferme le camion et viens nous rejoindre ! lui crie Tobias.

L’instructeur ne veut pas le laisser seul sans protection près du véhicule. Le jeune homme s’exécute et rejoint Christina : s’il se passe quelque chose là-derrière, il veut pouvoir être près de sa compagne.

  • Qu’est-ce-que c’est que ça ? demande-t-il en arrivant derrière Christina.

  • Une entrée, sécurisée, dit Tobias.

  • Et qui n’a pas été ouverte depuis longtemps, les plantes, les vraies, commencent à remonter le long du mur par le bas, constate Peter.

  • Qui peut avoir le code ? interroge Christina.

  • Eh bien, Pète-Sec, on sait ouvrir les boîtes dans ta famille ! T’as pas une idée ? raille Peter.

  • La ferme, Peter ! coupe Tobias.

  • Attends, Quatre, il a peut-être raison, on peut essayer : le code de la boîte, dans l’ordinateur de Jeanine. Si c’était le même ?

Tobias regarde Tris avec intensité, sa communion avec Beatrice lui a peut-être encore soufflé la bonne réponse. Le jeune homme approche du boîtier, il est manifestement encore alimenté. En l’effleurant du doigt, il s’allume et réclame le code auquel les co-équipiers s’attendaient. D-E-S-T-I-N-E-E.


Dans un bruit sourd de pierre frottée, la porte recule dans l’épaisseur du mur, tirée par un vérin, libérant un nuage de poussière, puis bascule sur le côté. Aussitôt, une série de lumières s’allument automatiquement. Tobias arme son pistolet, imité par ses amis. Les sifflements des pistolets qui se chargent résonnent dans l’entrée bétonnée.

  • Restez là ! ordonne Tobias en avançant prudemment dans l’embrasure de béton.

Mais Tris n’entend pas le laisser s’exposer tout seul. Elle lui emboîte le pas, malgré les protestations de Christina.

  • Venez ! finit-il par lancer au bout de quelques secondes.

Peter, Christina et Mark s’empressent de rejoindre leurs amis. Ils s’arrêtent, bouche bée, en découvrant ce que protège la porte de béton. Là, au centre de cette clôture dont personne n’imaginait qu’elle avait un secret, derrière une paroi de plus d’un mètre d’épaisseur de béton, sont disposés une table, quelques chaises, un couchage métallique sommaire, des conserves sur une étagère, des affaires de secours.

  • La vache, mais c’est quoi ça encore ? s’étrangle Christina.

Pendant que chacun scrute cet étonnant équipement, dans ce lieu qu’ils n’imaginaient pas dix minutes plus tôt, Tris réfléchit intensément :

  • Uriah ! Il avait raison… murmure Tris.

Le leader se retourne vers sa petite amie, un pli barre son front.

  • Uriah ? Tris, Uriah est mort… souffle Tobias, dont le souvenir de son ami lui occasionne toujours une poignante émotion.

Mais Tris ne l’a pas vraiment écouté, les yeux baissés sans rien voir, elle a sa posture caractéristique, celle par laquelle elle appelle ses souvenirs.

  • Sur le toit du Marché des Médisants, quand les Audacieux réfugiés chez les Sans-faction se sont rendus chez les Sincères …

La jeune femme a les yeux fermés maintenant. Elle semble visualiser la conversation entre Beatrice et Uriah.

  • Après le procès, Beatrice est allée s’isoler sur le toit. Uriah l’y a rejointe pour la soutenir, et il a dit à Beatrice qu’il avait un peu l’impression d’être fou des fois, car il voyait des lumières au-delà de la clôture parfois.

  • Et comment tu sais ça, Tris, s’ils n’étaient que tous les deux sur ce toit ? demande suspicieusement Peter.

  • Tris a la mémoire de Beatrice, dans les grandes lignes, et d’une partie de ses ancêtres, lui explique Tobias pour qu’il ne harcèle pas sa petite amie.

  • Sans rire ? persiste Peter dubitatif.

  • Tris, t’es vraiment flippante des fois… dit Christina.

  • C’était juste avant l’attaque des Audacieux soumis à Jeanine, poursuit la jeune femme sans tenir compte de l’intervention de son amie, toujours concentrée sur ses souvenirs. Beatrice était très triste, Uriah est venu lui tenir compagnie.

Crispé, Tobias baisse la tête un instant. Il se souvient des circonstances évoquées par Tris : Beatrice et lui venaient de se disputer au sujet de l’aveu qu’elle avait dû faire devant le tribunal, concernant la mort de Will. Beatrice pensait avoir perdu l’amitié de Christina et lui en voulait, et s’en voulait aussi, de la distance que cela avait créé entre eux deux.

  • Il avait raison, la direction qu’il indiquait à Beatrice était celle de cette porte. Ce qu’il voyait, c’est sûrement les véhicules du Bureau qui venaient parfois dans ce repère.

  • Mais pour faire quoi ? demande Tobias.

  • Je suis certaine que c’est là que ma mère venait cacher les Divergents qu’elle arrivait à sauver du jugement de Jeanine et de la société…

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