Fanfiction Divergente 4 - Résurgence, Chapitre 40
CHAPITRE QUARANTE
La réunion entre le gouvernement de Milwaukee et l’équipe d’explorateurs se termine. Tobias respire, cela s’est passé mieux qu’il ne le craignait. Les échanges et la coopération informatiques semblent assurés. La relative stabilité politique de Chicago fait des envieux à Milwaukee et il est prévu une grande assemblée plénière des deux conseils, informelle, pour discuter d’avenir politique, social et commercial. Tobias ne peut pas retirer à Peter une grande habileté à avoir souligné auprès de ses pairs les avantages non seulement du retour de l’eau du lac en bordure de la ville, mais d’une coopération accrue entre les deux villes, sur tous les plans.
La tenue d’Audacieux de quatre des cinq membres de l’équipage n’a pas manqué de surprendre les membres, dans leur immense majorité affranchis de toute allégeance à une faction, quelle qu’elle soit, mis à part le chef du gouvernement, affichant ouvertement sa Divergence. Questionnés sur leur attachement aux factions, Christina et Tobias se sont montrés réservés, soulignant plutôt leur attachement à la tenue et à certaines des valeurs qui avaient cimenté les Audacieux. Tris, elle, n’a pas caché son souhait de réactiver les factions, sous une autre forme de pouvoir et d’exercice, provoquant une certaine vague de protestation parmi leurs hôtes, dont Tobias se serait bien passé… Son côté Sincère pouvait parfois être dérangeant dans certaines circonstances.
Mais Tris est dotée du même charisme involontaire que Beatrice. Son charme, plus encore que ses arguments, ont très vite apaisé les discussions pour les rendre plus constructives. L’objet de la réunion n’étant pas centré autour de ce sujet, sa prise de position tranchée a finalement favorisé l’idée d’échanges ultérieurs entre les gouvernances des deux villes.
Contrairement à ce que pensait Tobias, le conseil de Milwaukee s’est montré plutôt heureux que la ville se trouve en première ligne, en cas de réussite du réapprovisionnement en eau du lac. La perspective de développer, avant Chicago, les premières richesses retrouvées du lac a fait passer la sensation d’être des cobayes d’une entreprise incertaine au second plan. L’enthousiasme de Tris, indéfectiblement soutenue par une Christina dévouée jusqu’au ridicule, n’a pas laissé de place au doute dans l’esprit de leurs partenaires.
Tobias a présenté aux membres le projet initialement soumis au conseil de Chicago, afin de dissiper toute ombre sur la collaboration conjointe des deux villes. L’itinéraire a été méticuleusement précisé, afin, en cas de problème, de pouvoir envoyer éventuellement une équipe de secours. Mais l’autonomie des véhicules étant limitée, toute arrivée de secours serait nécessairement très longue. Toutefois, le chef du gouvernement de Milwaukee a annoncé fièrement être sur le point de dévoiler les résultats de recherches prometteuses de ses ex-Erudits en matière de carburant : l’utilisation du méthane, en quantité colossales dans la haute atmosphère, mais aussi obtenue par exploitation de la digestion du bétail, est pratiquement au point. Les applications possibles sont larges et porteuses d’espoir, tant pour les perspectives dans le domaine des transports, que pour la protection de l’environnement, le méthane étant un redoutable gaz à effet de serre. Mark se montre très intéressé par le principe et des échanges de technologies et de connaissances industrielles et agricoles s’avèrent tant bénéfiques que nécessaires. Sa future place de conseiller du gouvernement de Chicago lui ouvre la porte à des négociations à venir passionnantes.
Généreusement, le chef du gouvernement propose de ravitailler l’Hovercraft le lendemain juste avant leur départ, et de mettre à disposition de l’équipe pour la nuit une maison Altruiste tout juste rénovée, et destinée à accueillir prochainement une famille de la Marge en cours de déménagement. Un peu tendu d’avoir à remuer des souvenirs douloureux, Tobias accepte néanmoins avec reconnaissance. Ses réticences ne doivent pas pénaliser le groupe entier. Peter, lui, demande l’autorisation d’être libéré de ses obligations pour la soirée afin de la passer à son domicile. Les deux couples ne sont finalement pas fâchés de pouvoir s’offrir un peu d’intimité, puisque celle-ci sera nécessairement très limitée dans les jours à venir.
Au cœur d’un petit quartier excentré au sud de Milwaukee, Tobias retrouve, la gorge nouée, la même architecture de constructions Altruistes que celle qui a abrité non seulement son enfance maltraitée, mais aussi celle de Beatrice. Il n’était retourné que deux fois dans son quartier. Une fois, en secret pour prévenir son père de l’imminence de l’attaque menée par les Audacieux sous simulation fomentée par les Erudits et lors de celle-ci. Ses seules préoccupations alors : retrouver les parents de Beatrice avant que Jeanine ne les fasse abattre, et dissimuler, en vain, leur Divergence. Il lui semble que la providence le replonge dans ces terribles souvenirs pour le mettre à l’épreuve, tester sa guérison et son amour pour Tris.
Dans sa poche, il lui semble que la clé de la maison numéro sept, qu’on leur a prêtée, lui brûle la peau à travers le fin tissu de la doublure. Il s’attend presque à trouver, derrière la porte, la silhouette menaçante de son père, armé du ceinturon détesté.
Disposées de la même façon qu’à Chicago, les maisons Altruistes présentent une architecture identique. Le quartier est irrigué de chemins de gravier blanc, et semble avoir moins souffert de la guerre qu’à Chicago. Ici, les factions en conflit n’étaient pas les mêmes au début des événements. Tobias réalise une fois de plus combien Jeanine avait tort : la nature humaine est un joyau, mais un joyau parfois maléfique. Comme lui a dit Jonah, on ne peut pas avoir que le bon. Les deux côtés sont indissolublement liés.
Attirée par son âme vagabonde, Tobias sent la boule de plumes qu’il aime tant se glisser dans sa main, et frôler la peau fine et douce de l’intérieur de son poignet. Comment fait-elle pour être toujours là quand il en a besoin ? Et effacée quand il a besoin de solitude ? Il tourne la tête et devant ses yeux, il y a le soleil. Celui de sa vie. Comment Mark a dit déjà ? Solaire, il a dit que Christina était solaire. Il aurait aimé penser lui-même à une telle description. Rien d’autre qu’une merveilleuse banalité lui vient à l’esprit. Il sourit à Tris qui attend patiemment quelle place il veut bien lui laisser en cet instant.
Je t’aime, Tris, lui di-il.
Parce que toute la place est pour elle.
L’ombre de la maison devant laquelle ils se sont arrêtés se projette sur sa bien-aimée, et il y a mille étoiles dans son sourire, en réponse à sa déclaration. Tris ne répond pas, elle sait que Tobias n’attend pas de réponse, il a soigné son malaise avec cette petite phrase, il a rempli le vide qui menaçait son cœur. Avec son énergie habituelle, c’est Christina, en se rapprochant d’eux deux, qui brise la coquille dans laquelle leurs regards figés l’un dans l’autre les avait immobilisés et délicieusement emprisonnés.
Il a fallu que je vienne à Milwaukee pour visiter un quartier Altruiste. On peut pas dire que la seule fois où j’y suis allée à Chicago m’ait laissé un souvenir agréable… commente la jeune femme en regardant autour d’elle.
Tout en tenant la sienne, Tris glisse la main dans la poche de Tobias. Les doigts entrecroisés attrapent la clé et la poussent contre son paume. Le leader ouvre sur l’équipe la petite maison grise et modeste. Immédiatement, des bouffées de souvenirs viennent percuter sa mémoire. Mais étonnamment, ce sont des murmures doux, des cliquetis de couverts, les pas feutrés d’une famille ordinaire, qu’il imagine évoluer entre ces murs gris. Derrière lui, les yeux clos, Tris glisse ses mains sur sa taille, jusque sur son ventre, et y noue ses doigts, posant sa tête sur son dos. Les mains sur celles de sa petite amie, Tobias se dit qu’elle a encore pu contenir les énergies négatives qu’il sentait resurgir du fond de sa mémoire, pour ne le laisser être pénétré que de l’esprit tranquille des anciens habitants de ces lieux.
Dans la pièce principale, une table en bois toute simple, encadrée de quatre chaises en bois identiques trône au centre comme une invitation à la méditation. Une armoire sans artifice est résolument destinée à un rangement purement utilitaire du minimum vital. La seule lumière de la pièce provient de deux petites fenêtres en hauteur, dont la clarté est tamisée par des croisillons en bois posés en losange sur les vitres. Une ampoule pend du plafond au dessus de la table, au bout d’un long fil électrique. Nul placard menaçant sous l’escalier, où enfermer un enfant, juste la banalité utilitaire et tranquille d’une pièce sans décor ni attrait, conformément à son rôle. Dans la cuisine, un évier simple et un meuble de rangement pour la vaisselle, sur lequel sont posés quelques vivres à l’attention de l’équipe. Pain, conserves de viande et de légumes, pommes, chips, chicorée, leur ont été préparés.
Profondément émue, Tris sourit, elle a vu ce même décor dans les souvenirs de Caleb, elle se sent presque chez elle. La paix du lieu l’aide à comprendre mieux encore l’engagement dévoué de cette faction silencieuse.
La vache, qu’est-ce-que c’est triste ! commente Christina. Entre ça et la bouffe, je comprends que vous vous soyez barrés de là-dedans !
Ce n’est pas pour ça qu’on est partis, Christina, dit sèchement Tobias.
Ouais je sais. Mais quand même… c’est mortel comme décor.
Beatrice devait partir, c’était son chemin, et sa croix.
Tous en même temps, les quatre équipiers se retournent pour savoir qui a prononcé ces mots, dans l’embrasure de la porte. Une très vieille femme, voûtée et ridée, s’appuie sur une canne pour franchir la petite marche du seuil. Ses cheveux blancs argentés, courts, sont coiffés en arrière. Elle porte un pantalon gris en maille et une ample tunique turquoise à la façon Fraternelle. Son regard ne trahit pas d’émotion en dévisageant l’assemblée. Comme elle trébuche sur le seuil de la porte, Tobias et Tris se précipitent pour la soutenir et l’accompagner jusqu’à la table.
Vous connaissez Beatrice ? demande Tobias les yeux ronds d’étonnement.
Non, mais j’ai connu sa mère, répond la vieille femme d’une voix fatiguée.
Fascinée, Tris dévisage cette femme et ne peut pas concevoir le moindre doute. Le même front haut, les mêmes paupières un peu tombantes encadrant des yeux en amande, le même regard à la fois doux et déterminé.
Vous êtes la mère de Natalie Wright, n’est-ce-pas ? Vous êtes… ma grand-mère ? demande doucement Tris en s’asseyant à côté de la vieille femme.
Cette femme est ta grand-mère ?! s’écrie Christina.
Ma mère a quitté Milwaukee à l’âge de treize ans. Elle a été recueillie par le Bureau, explique Tris tant pour renseigner son amie, que pour demander confirmation à l’aïeule assise près d’elle.
La dame ne répond pas, mais ne nie pas non plus. Mark, élevé dans le respect des anciens, part fouiller le placard de la cuisine, y prend un verre et apporte de l’eau à la visiteuse. Il sent que la rencontre est importante pour Tris. Et peut-être plus encore.
Racontez-moi, la prie Tris. C’est pour ça que vous êtes venue, je pense.
Ce jeune et toi, dit la femme en désignant Tobias, votre test vous a dit que vous étiez Altruistes, non ?
Nous sommes Divergents, tous les deux, comme Beatrice. Mais la faction Altruiste était l’une de nos compatibilités, oui.
Tu n’es pas Beatrice ?
Tris fait un signe de dénégation. La jeune fille expose à sa grand-mère ses origines. La vieille dame ne semble pas s’émouvoir ni exprimer le moindre sentiment. Elle écoute, simplement, en la fixant intensément des yeux.
Et toi, dit-elle à Christina, tu es une Sincère ! grince-t-elle.
Comment vous le savez ? interroge Christina.
Tu caches rien, ça se voit.
Amusés par la perspicacité de la vieille dame, Tobias et Tris sourient à la vieille femme.
J’ai su que Natalie était morte, lâche la femme avec, enfin, une brillance au fond des yeux. Après votre guerre civile, quand les échanges ont repris un peu entre les deux villes, j’ai chargé des amis conducteurs des camions de poser des questions. Ils m’ont dit aussi que son mari était mort, ainsi que sa fille Beatrice. Que seul son fils avait survécu. Je n’ai pas compris quand votre ami m’a dit que ma petite-fille était là. J’ai pensé que mon ami s’était trompé, à l’époque.
Peter ? Peter Hayes ? demande Tobias.
La vieille femme acquiesce. Tris sent une bouffée de reconnaissance lui nouer la gorge. Oui, Peter a changé, l’amour l’a changé. L’amour, c’est la clé de tout. Facile à dire, mais pourtant Tris en est convaincue. A petite comme à grande échelle.
C’était la guerre ici quand Natalie a disparu. Je n’ai su qu’il y a très peu de temps qu’elle avait vécu dans une autre ville. On nous avait dit qu’il n’y avait plus que nous, personne n’imaginait que d’autres villes avaient pu subsister.
Le Bureau du Bien-Être Génétique l’a emmenée pour faire d’elle l’objet d’une expérience, pour toute sa vie, parce qu’elle était génétiquement pure. Elle avait les gènes réparés, ce que le Bureau cherchait à tout prix, depuis des décennies, explique Tris. Ils ne voulaient pas risquer qu’elle meure dans le conflit qui régnait ici.
Et moi j’ai cru qu’elle m’en avait voulu tellement qu’elle en était morte… J’ai… tué son père, avoue la vieille dame dans un souffle.
Tris prend la main de la vieille dame dans la sienne, pour apaiser le tremblement qu’elle a entendu dans sa voix.
J’étais une Audacieuse vous savez, et je ne suis pas Divergente. La guerre a éclaté et les Erudits ont voulu tuer tous les Sans-faction, qui menaçaient leur autorité. Ils ont promis une gouvernance partagée aux Audacieux pour s’attirer leur aide. Il fallait… obéir, nous étions sous simulation, souvent. Sean, mon mari, était Divergent, il s’est rebellé, il résistait au sérum de simulation et il est parti chez les Sans-faction. Je suis restée chez les Audacieux avec Natalie. Elle s’entraînait avec les autres jeunes, elle voulait sauver des vies, elle disait.
La vieille dame, perdue dans ses souvenirs, reprend son souffle pendant quelques secondes. Sa vie de recueillement ne l’a plus habituée à parler autant de tous ces événements.
Prenez votre temps, dit doucement Tris en tenant toujours doucement sa main.
Sean a voulu fonder une faction de Divergents, pour leur fournir un foyer, un port d’attache, une famille, et une défense. Ils se sont organisés, ils ont même créé leur propre sigle. Il a rallié pas mal de monde. Il a réussi à décrypter le message des fondateurs, la clôture a été ouverte. Le chaos a continué, de longs mois, personne ne lâchant de terrain. Les Divergents étaient courageux, mais ils n’étaient pas tous Audacieux. Ils se sont retranchés dans un bâtiment désaffecté, mais les Erudits nous ont manipulés et ont lancé l’assaut. J’étais sous simulation et… je l’ai tué…
Je suis bien placée pour savoir qu’on ne peut pas lutter, moi aussi j’ai été manipulée par un sérum de simulation, marmonne Christina. Vous ne pouviez rien faire…
Natalie a disparu quelques jours après, je ne l’ai jamais revue, articule la femme d’une voix cassée.
Une faction de Divergents… murmure Tris. Ce sigle, savez-vous à quoi il ressemble ?
Je me le suis fait tatouer, en hommage à mon mari, après sa mort.
La vieille dame relève la manche de sa large tunique, jusqu’en haut de son bras. Sous le regard sidéré de Tobias et Tris, la femme dévoile un étrange dessin. Dans un cercle au contour tremblotant et ondulé posé sur deux ellipses dont les ventres se font face, une forme oblongue, horizontale, et pointue sur les extrémités rejoint les bords ondulés du cercle. Au centre de cet œil stylisé, une épaisse flamme fait danser une lueur menaçante comme une prunelle ardente. La flamme noire est évidée en son centre en forme de triangle posé sur sa base. Sur les lignes elliptiques sous le cercle, deux mains verticales sont dessinées sur ce qui semble symboliser un tronc. Christina dévisage ses amis sans comprendre d’où vient leur stupéfaction :
Il vous arrive quoi ? Pourquoi vous faites cette tête ?
Manifestement, Christina a posé la question que s’apprêtait à articuler la vieille femme. Tobias lève les yeux sur Tris en réalisant où il a déjà vu cet étrange symbole.
Ce sont tous les symboles réunis ! C’était ça ! souffle Tris.
C’était ça quoi ? intervient Mark, silencieux jusqu’à présent.
Tobias jette un regard appuyé à sa petite amie. Tris se lève de la chaise, s’écarte un peu de la table autour de laquelle tout le monde s’était rassemblé, assis sur les chaises, et Mark debout derrière Christina, les mains sur ses épaules. Tris se tourne pour montrer son dos à la vieille dame, passe tous ses cheveux sur le devant de son épaule droite, et soulève son débardeur.
La vache, c’est quoi ça ?! s’exclame Christina, stupéfaite. Je l’avais jamais vu, ton tatouage, Tris !
Tobias se lève pour rejoindre la jeune fille et montrer à la vieille dame.
Regardez, Tris a décidé de se faire tatouer une sorte de plan de Chicago. C’est grâce à elle que l’eau est revenue dans la rivière, qui était asséchée. Et si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour libérer aussi les eaux du lac Michigan pour lui redonner sa forme et son volume d’autrefois, avant la Grande Paix. Un jour, en réunion, Tris griffonnait sur son carnet. Elle a dessiné ça.
Tobias montre du doigt le symbole que Tris a fait tatouer au centre de la surface représentant le lac, en contraste contraire. Il est plus simple, moins élaboré, mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit du même symbole. Sur la peau de Tris, l’œil stylisé que l’on peut voir aussi sur l’épaule de sa grand-mère est vertical alors que celui de la vieille dame est horizontal, rendant plus évident sa forme et sa symbolique représentative. Le cercle est rond et régulier, alors qu’il est ondulé sur l’aïeule, imitant un feuillage d’arbre, celui qui figure la faction des Fraternels. Le serpent large et épais qu’avait cru voir Tobias sur le dessin de Tris était en fait une flamme du symbole des Audacieux. Le triangle représente bien sûr la balance de Justice des Sincères. Et les mains, matérialisant les Altruistes, réduites à quelques traits enfantins sur la peau de Tris, sont élégantes, précises et posées presque amoureusement sur le tronc de l’arbre, sur l’épaule de la grand-mère.
Elle m’a dit, reprend Tobias, que ce dessin lui était venu comme ça, qu’elle ne savait pas ce qu’il signifiait.
Personne ne t’a parlé de ce symbole ? demande la vieille femme.
Non, jamais, il s’est formé dans mon esprit, comme ça, c’est tout, répond Tris.
Tu me fiches la chair de poule Tris, t’es surhumaine, des fois… lâche Christina en frissonnant. La vache, t’as dû dérouiller avec ce tatouage !
Tris replace son vêtement par-dessus son tatouage et se retourne pour retrouver le regard de son aïeule. La pauvre femme, remuée par d’innombrables souvenirs douloureux, bouleversée par des vagues d’émotions contradictoires, peine à retenir les larmes qui mouillent ses yeux tristes et pensifs.
Comment as-tu pu visualiser ce symbole sans l’avoir jamais vu ? s’inquiète la dame d’une voix tremblante.
C’est Tobias qui raconte en résumant, à l’aide de mots simples et remplis de l’admiration qu’il voue sans réserve à sa petite amie, les visions de Tris, sa perception mémorielle, son pouvoir de lire l’énergie des gens autour d’elle.
Ton… grand-père était comme toi, petite, dit la vieille dame avec émotion.
Je le crois volontiers, il m’a parlé, de là où il est, j’en suis sûre, répond Tris avec un sourire en reprenant place près de la visiteuse. Grâce à lui, je comprends certains de mes rêves, de mes cauchemars aussi, cela m’a beaucoup aidée… Comment t’appelles-tu, grand-mère ?
Leonor.
Mue par son irrésistible attirance pour les gens, Tris s’approche doucement de la vieille dame et l’enlace tendrement.
Je suis très heureuse de te connaître, grand-mère…
Mark fait glisser près de Tris la tablette qui a servi à la présentation du projet Résurgence au gouvernement. Tris se rassoit près de sa grand-mère et entreprend de lui montrer quelques photos de ses parents, de Beatrice, de Caleb aussi. La vieille femme, émue aux larmes, caresse sur l’écran la joue de sa fille devenue adulte, combattante, Gardienne, fière, discrète et courageuse.
Pourquoi as-tu dit en arrivant que Beatrice devait partir, grand-mère ?
C’est Sean qui disait ça. Un enfant de chaque génération doit porter le flambeau des convictions, se sacrifier pour le bien commun ou faire avancer la science.
Ça s’est vérifié dans le passé ici à Milwaukee, dans votre famille ? demande Tobias, pensant que peut-être, Tris pourrait être épargnée par l’épouvantable lignée de Prior sacrifiés sur l’autel de l’expérimentation du Bureau, ou d’un funeste destin.
Je crois que oui, Sean l’assurait.
Grand-mère, nous devons partir demain, dit Tris la gorge nouée, mais dis-moi si tu as besoin de quelque chose. Est-ce que tu vis décemment ?
Je me suis retirée dans une ferme après le décès de Sean et la chute du mur. J’y suis restée. Je participe comme je peux aux travaux et mon ami m’héberge. Je ne manque de rien. Et maintenant, j’ai des petits-enfants à aimer, petite. Que pourrais-je vouloir d’autre ?
La vieille dame se lève doucement de sa chaise, alourdie par les nouvelles, les émotions puissantes et les souvenirs. Tris et Mark l’accompagnent jusqu’à la porte.
Comment es-tu venue grand-mère ?
Ton ami m’a fait prévenir ce matin qu’une voiture viendrait de sa part à la ferme. Il m’a dit que le chauffeur m’emmènerait pour me présenter ma petite-fille venue de Chicago et m’attendrait pour le retour.
En effet, non loin de la porte, une voiture électrique attend, dont le chauffeur s’est assoupi, ta tête renversée en arrière sur son siège. Il se redresse vivement en entendant la portière.
Je vous ramène, m’dame ? demande le chauffeur.
Oui, à la ferme, merci jeune homme.
A l’extérieur de la voiture, Tris, émue, fait un signe, à la vieille dame qui s’éloigne. Tobias l’enlace dans son dos et pose sa joue contre la sienne.
Tobias, je suis si heureuse de la connaître. Peter a été… génial sur ce coup-là.
Oui, c’est vrai. Je pense qu’il a vraiment changé, et qu’il essaie de se faire pardonner ses trahisons passées, comme Caleb a essayé de le faire aussi.
La jeune femme acquiesce.
Tu révèles ce qu’il y a de meilleur dans les gens, Tris, tu es une magicienne. Tu résous des énigmes auxquelles personne ne pense. Tout ce talent dans un corps si frêle… dit Tobias en la serrant entre ses bras passés sous les siens autour de sa taille.
***
Serrée dans les bras de son petit ami, Tris savoure la détente bienfaitrice après une journée riche en émotions. Après un repas animé par leurs échanges sur les événements de la journée, la troupe a apprécié la douche et le repos. Les factions dissoutes aussi à Milwaukee autorisent désormais l’équipement des chambres avec des lits doubles dans les maisons Altruistes, à la grande satisfaction non dissimulée de Mark.
Pelotonnée au fond du lit, tout contre Tobias, Tris comprend pourquoi sa mère, la veille du choix de Beatrice, lui avait dit, à elle, et à elle seule, pas à Caleb, combien elle était fière d’elle, en la serrant dans ses bras.
Elevée dans la perspective d’être le porte-drapeau du combat de sa famille, comme le lui avait répété son père Sean, Natalie Wright avait sans aucun doute cherché à savoir le résultat du test de Beatrice, et compris que sa fille prenait sa suite, avec sa force de caractère et son courage. Elle serait l’héritière des Gardiens du message, l’élue de sa génération. A travers le temps et la distance, sa mère et même son grand-père disparus lui avaient transmis leur esprit, leurs espoirs, leur message.
Eperdu d’émotion et d’amour, Tobias serre contre lui ce petit bout de femme qui l’a choisi, et qui porte tant d’espoirs sur ses épaules. Il caresse sa joue abîmée et pose sa bouche sur la sienne, répondant à son sourire tendre. Il ne lui en faut pas plus pour sentir monter en lui le désir de plus, le désir de tout d’elle. Pressés l’un contre l’autre, leurs souffles s’accélèrent et se mélangent.
Tobias, ils sont juste dans la pièce à côté ! essaie d’objecter Tris, avec un sourire, aux caresses entreprenantes de son petit ami.
Ecoute-les, je crois qu’ils se moquent complètement de ce qu’on fait ! Et qu’ils feront encore plus de bruit que nous ! rassure le jeune homme en parsemant son visage de baisers légers.
En effet, dans la chambre voisine, leur parviennent les rires étouffés et les cris de protestation bien peu convaincants de Christina, incapable de contrôler sa sincérité natale, sous les caresses et les chamailleries de son petit ami. Parfois, un « chuuut ! » de convenance siffle à travers la paroi, Mark essayant de modérer les exclamations amusées ou passionnées de sa compagne. De l’autre côté de la paroi, le couple étouffe un rire l’un contre l’autre, avant de reprendre passionnément ses baisers. Le temps s’arrête, les amants oublient où ils sont et même la présence de leurs amis tout proches, pour ne partager que leurs deux énergies, échanger les caresses qui réveillent tous leurs sens. Tris promène sur le dos de Tobias une main légère et douce, savourant la douceur de sa peau et le plaisir de le sentir réagir à son contact. Sous ses doigts, l’énergie des valeurs des factions, que le jeune homme a faites siennes, ravive à chaque souffle son besoin de lui. Le jeune homme sent son cœur se soulever de désir, qu’il essaie avec peine de contenir pour profiter de chaque seconde et amener Tris à l’inviter plus près encore. Il caresse les vallons de son buste, de ses hanches à peine marquées, serrant par moment un coin de sa peau dans sa paume, quand il ressent le feu d’une main brûlante approcher de sa propre poitrine ou de son ventre. Tris enroule sa jambe autour de celles de Tobias pour l’inviter à encore plus de proximité, offrant toute sa peau au velours des mains de son compagnon. Soupirant sous les caresses de plus en plus pressantes de Tobias, la jeune femme se sent glisser dans les affres d’un désir si puissant qu’il exige maintenant, tout de suite, que la virilité du jeune homme satisfasse son besoin affamé de lui. Alors Tobias ne résiste plus à son propre désir, et cède avec délices à l’appel plein d’amour et de prière de sa belle compagne.